Nous aimons tous rire quelle que soit la langue que nous parlons. Ce qui nous fait rire diffère grandement d’une personne à l’autre, d’une langue  à l’autre, et d’une culture à l’autre. L’humour varie selon les personnes, les langues et les cultures. Traduire l’humour, jeux de mots et références culturelles pose un défi insurmontable au traducteur !

Souvent, une phrase humoristique dans une langue ne fonctionne pas lorsqu’on la traduit dans une autre. Cela signifie qu’il faudra la transcréée  entièrement.

Explorons certains de ces dispositifs plus en détail pour voir pourquoi la traduction de l’humour est une affaire sérieuse.

Jeux de mots et blagues

Les jeux de mots et les blagues sont deux des formes d’humour les plus courantes. Les jeux de mots sont des blagues utilisant des mots similaires mais aux significations distinctes. Le jeu de mots repose sur l’esprit verbal et exploite le sens ainsi que les ambiguïtés des mots. La variation dans le son et l’écriture des mots entre les langues constitue un défi supplémentaire pour le traducteur. La variation dans la sonorité et l’écriture des mots d’une langue à l’autre représente un défi supplémentaire pour le traducteur. Traduction difficile, car « salon » en espagnol ne couvre pas les multiples sens de « living room » en anglais. L’adaptation espagnole reformule la question du fantôme pour une réponse drôle : « ¿Por qué el fantasma cruzó la calle? »  ? Para llegar al otro lado. » Cette solution vise à susciter la même réaction émotionnelle, espérons-le, un petit rire.

Berceau de culture

Les blagues reflètent l’environnement social et culturel, liées à l’histoire, aux traditions, aux valeurs, et aux croyances de chaque culture. L’humour, de ce fait, devient souvent compréhensible et apprécié uniquement par les membres de cette culture spécifique. Chez les Argentins, l’expression distinctive « aro, aro » introduit souvent leurs blagues, signifiant « avec votre permission ». Cette phrase agit comme un lien humoristique, créant un pont entre les blagues. Les blagues argentines suivent généralement une structure particulière, comme dans cet exemple : « Hier, je suis passé par chez toi et tu m’as lancé quelque chose. » Le contenu lancé donne lieu à un commentaire plein d’esprit, comme dans l’exemple : « tu m’as lancé un jus. Tang ! », jeu de mots entre la marque de jus Tang et le bruit du carton de jus heurtant la tête.

Cependant, malgré leur appréciation en Argentine, ces blagues peuvent sembler déconcertantes pour des personnes d’une culture différente. Pour les adapter en anglais, par exemple, on pourrait utiliser un jeu de mots différent, tel que : « Hier, en passant devant chez vous, vous m’avez jeté un fromage entier. Ce n’était pas très mature, n’est-ce pas ? Le gouda ne m’a pas fait mal ! »

En tant que traducteurs, la gestion de tels défis s’avère complexe. Selon le contexte d’utilisation de la blague (dans un livre de non-fiction par rapport à un sous-titre de film, par exemple), une option serait l’utilisation de notes de bas de page ou l’insertion d’une explication de la blague. Bien que cela puisse être intéressant pour le lecteur, cette approche sacrifie souvent l’humour intrinsèque de la blague. Lorsque l’explication adéquate ne peut être fournie, les traducteurs se retrouvent confrontés à l’énigme complexe d’adapter ce qui est drôle d’une culture à quelque chose qui résonnerait et serait humoristique dans la culture cible.

Intégrer votre public

L’un des éléments les plus importants à prendre en compte lors de la traduction d’un contenu humoristique est le public cible. Pour une langue comme l’espagnol qui a tant de variantes différentes, il faut savoir si l’on traduit pour un pays ou une région spécifique. Utiliserons-nous un terme espagnol latino-américain « neutre »? Cela déterminera la terminologie que l’on pourra ou non utiliser. Par exemple, si l’on rencontre un mot comme « cool » en anglais, il peut être particulièrement difficile de le traduire en espagnol. En effet, « cool » peut être traduit de différentes manières selon le contexte et le public cible. Par exemple on pourra utiliser, « guay » en Espagne, « chévere » en Colombie, ou « copado » » en Argentine. Si l’on traduit pour un public plus large, on devra éviter d’utiliser des régionalismes. Cela ajoute une strate supplémentaire de défi à l’adaptation.
L’âge du public cible devra également être connu. En effet, l’approche que nous adoptons pour traduire du contenu pour les enfants est considérablement différente de la traduction pour un public plus âgé. Par exemple, nous ne serions pas en mesure d’utiliser un langage inapproprié ou un vocabulaire complexe.

Traduire une mauvaise blague

Un autre dilemme est lorsque la blague à traduire est mauvaise (ou très mauvaise). Le traducteur doit-il le transcréer en une autre mauvaise blague ou imaginer quelque chose de plus drôle ? Comment pouvez-vous être sûr que vous traduisez quelque chose qui plaira au public cible ? Eh bien, vous ne pouvez pas. Vous avez beau déployer vos talents pour arracher un sourire à quelqu’un, mais la décision ultime sur le caractère humoristique d’une blague ne vous appartient pas. Cependant, vous avez la possibilité de mener des recherches approfondies et de vous adresser à un public bien défini (plus il est spécifique, mieux c’est) afin de susciter le rire recherché. Un autre angle consiste à examiner attentivement l’intention de l’auteur. Par exemple, il se peut que l’auteur ait délibérément opté pour une blague qui ne prête pas à rire pour une raison particulière. En diversifiant vos approches, vous maximisez vos chances de déclencher les rires escomptés.Il est important que le traducteur s’en rende compte.

Une vue d’ensemble : quand il ne s’agit pas seulement du texte

Selon le type de contenu humoristique que vous traduisez, vous pourriez être confronté à un défi supplémentaire : les références audio et visuelles qui y sont liées. Ceci est particulièrement pertinent dans toutes les formes de traduction audiovisuelle. Dans la localisation de jeux vidéo, nous pouvons voir cela constamment. Quelque chose qui est censé être drôle mais qui a aussi une image qui lui est liée et qui ne peut être ignorée.
Dans cette situation, nous ne pouvons pas dissocier le texte du visuel et de l’audio. Par exemple, nous ne pouvons pas transcréer une blague telle que « Pourquoi le long visage ? » quand celle-ci est liée à une image de la tête d’un cheval. Cela pourrait en fait être traduit de manière simple en espagnol, puisque nous avons la même expression (« ¿ por qué esa cara larga ? »). Celle-ci a le double sens d’être triste et d’avoir littéralement un visage aux longs traits. Cependant, votre langue cible n’a pas toujours une telle expression. En conséquence, vous devrez transcréer quelque chose de drôle qui peut être lié d’une manière ou d’une autre à l’image du visage d’un cheval triste.

Pause pour rire

Il est bien connu que le timing est le secret de la comédie. Les punchlines sont particulièrement importantes lors de la livraison d’une blague. Les traducteurs doivent donc être attentifs à cela. Nous avons tous vu ce problème d’innombrables fois dans les sous-titres, lorsque la punchline apparaît à l’écran avant que l’acteur ne la livre. Cela peut constituer une déception pour le public car cela gâche singulièrement la blague. Les traducteurs doivent être particulièrement sensibles aux subtilités du timing. Ce ne sont pas seulement les mots que nous choisissons, mais aussi le moment où ils sont montrés ou prononcés qui comptent.

Préserver l’humour dans la langue cible

La difficulté de traduire une blague réside dans le fait que l’humour fait partie intégrante de la culture dans laquelle il a été créé. Les blagues les plus difficiles à traduire sont peut-être celles qui reposent sur des jeux de mots ou des facteurs culturels. Pensez à des blagues anglaises comme :
• « Je voulais chercher ma montre manquante, mais je n’ai jamais pu trouver le temps. »
• « Je me demandais pourquoi le baseball devenait plus gros. Puis ça m’a frappé.
• « Pourquoi Peter Pan vole-t-il tout le temps ? Il Neverlands.
• « Qu’est-il arrivé au gars qui a porté plainte pour ses bagages manquants ? » Réponse : « Il a perdu son procès. »
En tant que traducteurs, la tâche est difficile, oserait-on dire la responsabilité, de faire en sorte que de telles blagues fonctionnent pour le public cible.
Comme l’a dit Mark Twain, « La différence entre le mot juste et le mot presque juste est vraiment une grande question. C’est la différence entre la foudre et un insecte de foudre. » Trouver les bons mots pour préserver l’humour dans la langue cible est, en effet, une forme d’art et une affaire sérieuse.